Evolution temporelle des populations
de deux collines boisées des environs de Yaoundé (Cameroun
)
     
 
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Introduction

Le caractère cyclique de l’activité des Rhopalocères de la zone paléarctique est un fait bien connu et abondamment documenté : de nombreux ouvrages, y compris ceux destinés au grand public, indiquent la ou les périodes de vol de la plupart des espèces.En ce qui concerne les espèces de la zone tropicale humide, l'idée d'un caractère cyclique est également largement répandue chez les lépidoptéristes. En réalité, on ne dispose que de très peu de données sur ce sujet qui n'a guère fait l'objet d'études scientifiques. Quelques auteurs (Darge, 1983) l’ont effleuré, mais leurs données, très limitées, n'autorisent aucune conclusion de portée générale.

Seul Owen (1971) s'est réellement penché sur la question : au terme d'une étude sur laquelle je reviendrai, il conclut au caractère saisonnier de l’activité de presque toutes les espèces.
La variation saisonnière de la richesse spécifique a été un peu plus étudiée (Owen, 1969, Emmel & Leck, 1970, Owen & Chanter, 1972 et Shapiro, 1975), mais ces études sont également limitées, aussi bien dans le temps que par le nombre d'espèces concernées et une seule ( Owen & Chanter, 1972) concerne des Rhopalocères africains (les Charaxes, de la famille des Nymphalidæ). Les résultats sont quelque peu contradictoires, puisque Emmel & Leck concluent à une augmentation significative de la richesse spécifique au moment de ce qu'ils appellent l'écotone saisonnier, alors que, selon Owen, celle des Charaxes de Sierra Leone ne varie pas selon la saison.

Ayant eu la possibilité de suivre le peuplement en Rhopalocères de deux collines des environs de Yaoundé (le Mont Fébé d’abord, le Mont Messa ensuite) pendant plusieurs années, j’ai rassemblé, au cours de quelque 500 sorties sur le terrain, une importante quantité de données qui remettent en cause les idées recues sur le caractère saisonnier de l'activité des Rhopalocères (première partie) et améliorent la connaissance de la richesse spécifique (deuxième partie). Les conditions dans lesquelles ces données ont été collectées ont été décrites dans un précédent travail (Libert, 1993).

Ces deux collines font partie de ce qu'on appelle le Massif de Yaoundé ; leurs sommets (respectivement 1077 m pour le Mt Fébé et 1013 m pour le Mt Messa) sont très proches : quatre kilomètres à vol de papillon ; elles dominent la ville de Yaoundé (altitude moyenne 750 m). Le climat est de type guinéen à quatre saisons ; les précipitations annuelles sont en moyenne de 1600 mm à Yaoundé, probablement un peu plus sur les collines.
Elles ont ont toutes deux subi une forte pression humaine : les défrichements sont nombreux, et en progression constante; fort heureusement, chacune d'elles comporte un versant en pente abrupte sur lequel subsiste la forêt, milieu hétérogène, peu pénétrable, où les grands arbres (très menacés) côtoient une multitude de plantes de toutes tailles. Tous les milieux ouverts non occupés par des plantations sont envahis par « l'eupatoire » (Chromolaena odorata, ex Eupatorium odoratum), une plante très héliophile dont les fleurs sont butinées par de nombreuses espèces de papillons.

Les prospections concernent les différents types de milieux, des sentiers ayant été aménagés en sous-bois. A partir de relevés cadastraux (Mt Fébé) ou de mesures sur le terrain (Mt Messa), on peut estimer les surfaces des zones d'observation à environ 8 et 4 ha pour, respectivement, le Mt Fébé et le Mt Messa. La notion de surface prospectée est discutée de façon approfondie dans l'article déjà cité.

L'étude de leur faune a montré que chaque colline conservait une certaine spécificité mais qu'environ 560 espèces de Rhopalocères leur sont communes.

Le fait de rassembler en une seule étude les résultats relatifs à ces deux collines présente le très grand avantage d’augmenter considérablement la durée de la période étudiée (de trois ou quatre ans, elle passe à sept ans), un avantage qui me semble décisif pour une étude de ce type; les résultats sont d'ailleurs rassemblés, mais non confondus : les deux sites sont toujours traités séparément.