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Révision des Anthene africains, présentation
   
Anthene chojnackii HT femelle, R & V
   

L’objet de cette révision, les Anthene lato sensu, correspond au « groupe des Anthene » de Stempffer (1967 b : 275). En réalité, le genre Anthene Doubleday, 1847 a été longtemps ignoré, et la plupart des genres du groupe (Triclema Karsch, 1893, Cupidesthes Aurivillius, 1895, Neurellipes Bethune-Baker, 1910 et Neurypexina Bethune-Baker, 1910) sont issus de la scission du genre Lycaenesthes Moore, [1866]. On voit que deux d’entre eux sont dus à Bethune-Baker, dont la révision des Lycaenesthes africains (1910) a constitué la première étude d’ensemble du groupe (l’espèce-type de Lycaenesthes, L. emolus Moore, [1866] est orientale) ; dans ce travail qui a longtemps fait autorité, Bethune-Baker donne aussi l’historique de la création des genres Triclema et Cupidesthes. C’est seulement en 1935 que Hemming (in Carpenter) a établi la priorité du nom Anthene ; cette priorité, acceptée de façon très explicite par Stempffer dès 1936, n’a jamais été remise en cause. Plus tard, Tite (1966) a inclus dans le genre Anthene les espèces orientales de Lycaenesthes, et ce genre est aujourd’hui un simple synonyme d’Anthene. Entre temps, Ungemach (1932) avait décrit le genre Monile, que Stempffer (1967 b) et les auteurs suivants ont considéré comme un synonyme de Neurellipes.

Pour Eliot (1973), les sept genres sont valides et ils constituent la tribu des Lycaenesthini Toxopeus, 1929 au sein de la sous-famille des Polyommatinae Swainson, 1827 (Stempffer rangeait son groupe des Anthene dans une sous-famille des Lampidinae qui n’a pas été acceptée ultérieurement). Toutefois, si l’on en croit les travaux de de Jongh et al. (1996), le groupe peine à trouver sa place. Ainsi, Pierce et al. (2002 : 736) considèrent les Lycaenesthiti comme le groupe-frère des autres taxons des Polyommatini, qu’ils intègrent aux Lycaeninae, tandis que Larsen (2005 : 232) suggère qu’ils pourraient constituer une sous-famille propre, mais reprend le classement de Eliot, comme la plupart des auteurs (voir Lamas, 2008).

La distinction de plusieurs des cinq genres reconnus repose largement sur des différences de nervation pas toujours très convaincantes ; comme les genitalia mâles sont aussi peu différenciés, il n’est pas surprenant que leur statut, voire leur validité, ait été mis en cause. Stempffer (1967) les traite comme des genres distincts, avant de déclarer (ibid : 274) qu’ils devraient être considérés comme des sous-genres d’Anthene ; cette suggestion a été reprise au vol et entérinée sans autre forme de procès par Heath et al. (2002 : 105). Pour Larsen (2005 : 232), seuls les genres Anthene et Cupidesthes devraient être conservés, mais il opte sagement pour le statu quo dans son traitement des espèces.

La révision de cet ensemble s’imposait donc, mais ce n’est pas sans une certaine appréhension que je l’ai entreprise, en me limitant cependant aux espèces africaines pour la partie systématique (une restriction imposée par ma méconnaissance de la géographie de l’Asie et surtout par le manque de matériel d’étude dans ma collection et dans celle du Musée de Paris). Toutes les espèces africaines ainsi que quelques espèces orientales ont été examinées, et des caractères génériques ont été recherchés, avec un succès mitigé comme on peut le voir au terme de l’étude de ces caractères. Toutefois, les genitalia femelles ont révélé une intéressante synapomorphie de toutes les espèces, qui confirme l’homogénéité des Anthene l. s. (Libert, 2008). Une étude élargie de ce caractère pourrait permettre de préciser la position du groupe.

A l’intérieur du groupe, la délimitation des genres a été plus délicate ; cinq ont finalement été retenus, c’est-à-dire tous ceux qui ont été décrits, sauf Neurypexina (et Lycaenesthes), mais y compris Monile. Leur importance est très variable, deux espèces pour Monile, 71 pour Anthene (compte non tenu d’une dizaine d’espèces orientales, qui pourraient représenter un taxon distinct). Leurs relations sont illustrées par une proposition de phylogénie établie dans une perspective résolument évolutionniste, en dehors de laquelle l’existence même des genres est incompréhensible, n’en déplaise à D’Abrera. Les résultats de l’étude biogéographique confortent les coupes génériques.

Il y a un siècle, Bethune-Baker traitait 84 taxons (dont 19 nouveaux) dans sa révision. De nombreuses espèces ont ensuite été décrites, et Stempffer recensait 163 taxons en 1967, un nombre qui n’a guère varié par la suite [162 taxons valides dans le catalogue de Carcasson , pour un nombre total de noms supérieur à 230 (Ackery et al., 1995)]. Huit taxons ont été décrits après 1995, portant à environ 170 le nombre total de taxons reconnus, ce qui représente un doublement en un siècle.
Plus de 70 nouveaux taxons (42 espèces et 31 sous-espèces) sont décrits dans le présent travail, mais de nombreuses synonymies sont aussi prononcées, et le total n’est « que » de 222 taxons valides (163 espèces et 59 sous-espèces). Au total, 319 noms ont été traités : leur liste complète constitue l’index final de cette révision.

La présentation est analogue à celle de mes précédentes révisions. Après une première partie consacrée à l’examen des caractères génériques, les genres retenus sont passés en revue ; à l’intérieur de chaque genre, les espèces proches sont rassemblées en groupes, sous-groupes et complexes. Chaque groupement important est précédé de la liste des taxons qui le composent.

Dans l’examen des espèces, les nombreuses synonymies sont soigneusement justifiées… chaque fois que cela était possible, c’est-à-dire quand les types ont pu être examinés, ce qui n’a pas été possible pour une trentaine d’entre eux. D’autres problèmes sont dus à des types « inadéquats », soit parce qu’ils sont en mauvais état, soit parce qu’ils appartiennent au sexe qui n’est pas, ou faiblement, diagnostique. Quand il se pose, le problème est expliqué, et priorité a été donnée à la stabilité de la nomenclature chaque fois qu’un doute « raisonnable » subsistait (ex. Neurellipes lachares).

Dans la rubrique « Iconographie complémentaire », on retrouvera les ouvrages généralistes les plus répandus (D'Abrera, 1980, Berger, 1981, Kielland, 1990, Pringle et al., 1994 et Larsen, 1991 et 2005), dont la liste s’est récemment enrichie du magnifique travail de Larsen sur l’Afrique occidentale. A quelques exceptions près, l’ouvrage de Seitz (1923) n’est pas mentionné, les illustrations (planches 71 et 72) étant en général trop grossièrement infidèles.

En ce qui concerne la nouvelle édition de l’ouvrage de d’Abrera (2009), elle a été publiée alors que la rédaction de cette révision était presque terminée. Ce n’est pas le lieu ici de commenter l’aspect insupportablement idéologique et polémique de ce livre ; je m’en suis expliqué avec l’auteur dans des correspondances dont il a refusé qu’elles soient rendues publiques. La vaste majorité des illustrations y sont reprises de la première édition, avec l’amélioration de la qualité qui s’imposait ; d’autres sont reprises, un peu cavalièrement à mon avis, du travail de Kielland (1990). Celles qui sont nouvelles sont mentionnées.

Par rapport aux ouvrages précédents, un effort a été fait pour rendre la rubrique « Matériel examiné et répartition » plus complète, avec des indications d’autant plus précises que les localités sont moins nombreuses ; dans les cas extrêmes, seules les plus significatives, ou celles qui correspondent aux limites de la répartition, sont indiquées. Les données de la littérature, dont l’origine est précisée, ne sont utilisées qu'avec circonspection. Les cartes de répartition sont aussi plus nombreuses (112).

La rubrique « Habitus » donne la description des deux sexes, aussi standardisée que possible, en respectant les termes définis dans les dessins schématiques qui accompagnent la description des patrons alaires. Elles sont faites de façon comparative, en mettant l’accent sur les caractères distinctifs.

L’étude d’une espèce se termine souvent par la rubrique « Genitalia », mais ceux-ci peuvent aussi être traités dans la présentation d’un groupe d’espèces. Leur étude a été décisive dans le cas du groupe d'Anthene otacilia.

Une rubrique « Plantes-hôtes et premiers états » a été introduite dans ce travail, dans les cas où les informations disponibles le justifiaient. On y trouvera une compilation de références bibliographiques ; celles qui ne faisaient que reprendre des résultats déjà publiés (le plus souvent ceux de Jackson, 1937) ont été éliminées. Toutefois, les auteurs ne citent pas toujours (et même pas souvent) leurs sources, et il est probable que des informations redondantes subsistent.

Enfin, tous les taxons sont illustrés dans l’une des 32 planches couleurs situées à la fin de l’ouvrage ; un effort a été fait pour illustrer la variabilité de nombreuses espèces et pour disposer les spécimens de façon à faciliter les comparaisons pertinentes.

Une partie Biogéographie vient compléter l’étude systématique. Elle est calquée sur celle qui concluait la révision des Deudorix (Libert, 2004), dans la perspective de constituer la base d’une biogéographie des Lycaenidae, voire des Rhopalocères, africains. Comme dans mes travaux précédents, une liste des taxons par pays est donnée en annexe.

 

           
       

Analyse de la distribution muséologique des types des taxons africains d’Anthene Doubleday et des genres apparentés
(Lepidoptera, Lycaenidae)

Résumé. – Quelque 280 types ont été examinés par l’auteur pour la révision des Anthene Doubleday africains et des genres proches, Triclema Karsch, 1893, Cupidesthes Aurivillius, 1895, Neurellipes Bethune-Baker, 1910, et Monile Ungemach, 1932. Dans cette note, la répartition de ces types entre les différents musées est examinée et commentée.

L'analyse de ces données confirme le rôle irremplaçable des collections "historiques" dans la recherche en Systématique. Elle montre aussi que l'essentiel des progrès dans ce domaine résulte de l'enrichissement régulier de la collection de l'ABRI (African Butterfly Research Institute, Nairobi).